Ce qu’on entend par « Action directe »
L’Action directe est une notion d’une telle clarté, d’une si évidente limpidité, qu’elle se définit et s’explique par son propre énoncé. Elle signifie que la classe ouvrière, en réaction constante contre le milieu actuel, n’attend rien des hommes, des puissances ou des forces extérieures à elle, mais qu’elle crée ses propres conditions de lutte et puise en soi ses moyens d’action. Elle signifie que, contre la société actuelle qui ne connaît que le citoyen, se dresse désormais le producteur. Celui-ci, ayant reconnu qu’un agrégat social est modelé sur son système de production, entend s’attaquer directement au mode de production capitaliste pour le transformer, en éliminer le patron et conquérir ainsi sa souveraineté à l’atelier - condition essentielle pour jouir de la liberté réelle.
De cette négation du démocratisme, mensonger, et hypocrite, et forme ultime de cristallisation de l’autorité, découle toute la méthode syndicaliste. L’Action directe apparaît ainsi comme n’étant rien d’autre que la matérialisation du principe de liberté, sa réalisation dans les masses : non plus en formules abstraites, vagues et nébuleuses, mais en notions claires et pratiques, génératrices de la combativité qu’exigent les nécessités de l’heure ; c’est la ruine de l’esprit de soumission et de résignation, qui aveulit les individus, fait d’eux des esclaves volontaires, - et c’est la floraison de l’esprit de révolte, élément fécondant des sociétés humaines.
Cette rupture fondamentale et complète, entre la société capitaliste et le monde ouvrier, que synthétise l’Action directe, l’Association internationale des Travailleurs l’avait exprimée dans sa devise : « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ». Et elle avait contribué à faire de cette rupture une réalité en attachant une importance primordiale aux groupements économiques. Mais confuse encore était la prépondérance qu’elle leur attribuait. Cependant, elle avait pressenti que l’œuvre de transformation sociale doit se commencer par la base et que les modifications politiques ne sont qu’une conséquence des changements apportés au régime de la production. C’est pourquoi elle exaltait l’action des groupements corporatifs et, naturellement, elle légitimait le procédé de manifestation de leur vitalité et de leur influence, adéquat à leur organisme - et qui n’est autre que l’Action directe.
L’Action directe est, en effet, fonction normale des syndicats, caractère essentiel de leur constitution ; il serait d’une absurdité criante que de tels groupements se bornassent à agglutiner les salariés pour les mieux adapter au sort auquel les a condamnés la société bourgeoise - à produire pour autrui. Il est bien évident que, dans le syndicat, s’agglomèrent pour leur self-défense, pour lutter personnellement et directement, des individus sans idées sociales bien nettes. L’identité des intérêts les y attire ; ils y viennent d’instinct. Là, en ce foyer de vie, se fait un travail de fermentation, d’élaboration, d’éducation : le syndicat élève à la conscience les travailleurs encore aveuglés par les préjugés que leur inculque la classe dirigeante : il fait éclater à leurs yeux l’impérieuse nécessité de la lutte, de la révolte ; il les prépare aux batailles sociales par la cohésion des efforts communs. D’un tel enseignement, il se dégage que chacun doit agir, sans s’en rapporter jamais sur autrui du soin de besogner pour soi. Et c’est en cette gymnastique d’imprégnation en l’individu de sa valeur propre, et d’exaltation de cette valeur, que réside la puissance fécondante de l’Action directe. Elle bande le ressort humain, elle trempe les caractères, elle affine les énergies. Elle apprend à avoir confiance en soi ! A ne s’en rapporter qu’à soi ! A être maître de soi ! A agir soi-même !
Or, si on compare les méthodes en usage dans les groupements et formations démocratiques, on constate qu’elles n’ont rien de commun avec cette constante tendance à davantage de conscience, non plus qu’avec cette adaptation à l’action qui est l’atmosphère des groupements économiques. Et il n’y a pas à supposer que les méthodes en vigueur dans ceux-ci puissent se transvaser dans ceux-là. Ailleurs que sur le terrain économique, l’Action directe est une formule vide de sens, car elle est contradictoire avec le fonctionnement des agrégats démocratiques dont le mécanisme obligé est le système représentatif qui implique, à la base, l’inaction des individus. Il s’agit de faire confiance aux représentants ! De s’en rapporter à eux ! De compter sur eux ! De les laisser agir !
Le caractère d’action autonome et personnelle de la classe ouvrière, que synthétise l’Action directe, est précisé et accentué par sa manifestation sur le plan économique, où toutes les équivoques s’effritent, où il ne peut y avoir de malentendus, où tout effort est utile. Sur ce plan se dissocient les combinaisons artificielles du démocratisme qui amalgament des individus dont les intérêts sociaux sont antagoniques. Ici, l’ennemi est visible. L’exploiteur, l’oppresseur ne peuvent espérer se dérober sous les masques trompeurs, ou illusionner en s’affublant d’oripeaux idéologiques : ennemis de classe ils sont, et tels ils apparaissent franchement, brutalement ! Ici, la lutte s’engage face à face et tous les coups portent. Tout effort aboutit à un résultat tangible, perceptible : il se traduit immédiatement par une diminution de l’autorité patronale, par le relâchement des entraves qui enserrent l’ouvrier à l’atelier, par un mieux-être relatif. Et c’est pourquoi, logiquement, s’évoque l’impérieuse nécessité de l’entente entre frères de classe, pour aller côte à côte à la bataille, faisant ensemble front contre l’ennemi commun.
Aussi, est-il naturel que, dès qu’un groupement corporatif est constitué, on puisse inférer de sa naissance que, consciemment ou inconsciemment, les travailleurs qui s’y agglomèrent se préparent à faire eux-mêmes leurs affaires ; qu’ils ont la volonté de se dresser contre leurs maîtres et n’escomptent de résultats que de leurs propres forces ; qu’ils entendent agir directement, sans intermédiaires, sans se reposer sur autrui du soin de mener à bien les besognes nécessaires. L’Action directe, c’est donc purement l’action syndicale, indemne de tout alliage, franche de toutes les impuretés, sans aucun des tampons qui amortissent les chocs entre les belligérants, sans aucune des déviations qui altèrent le sens et la portée de la lutte : c’est l’action syndicale sans compromissions capitalistes, sans les acoquinades avec les patrons que rêvent les thuriféraires de la « paix sociale » ; c’est l’action syndicale, sans accointances gouvernementales, sans intrusion dans le débat de « personnes interposées ».
Exaltation de l’individu
L’Action directe, c’est la libération des foules humaines jusqu’ici façonnées à l’acceptation des croyances imposées, c’est leur montée vers l’examen, vers la conscience. C’est l’appel à tous pour participer à l’œuvre commune : chacun est invité à ne plus être un zéro humain, à ne plus attendre d’en haut ou de l’extérieur son salut ; chacun est incité à mettre la main à la pâte, à ne plus subir passivement les fatalités sociales. L’Action directe clôt le cycle des miracles - miracles du ciel, miracles de l’Etat-et en opposition aux espoirs en les « providences », de quelque espèce que ce soit, elle proclame la mise en pratique de la maxime : le salut est en nous !
Cette incomparable puissance rayonnante de l’Action directe, des hommes d’opinions et de tempéraments divers l’ont reconnue, rendant ainsi hommage à cette méthode dont la féconde valeur sociale est incontestable.
C’est Keufer qui, en juin 1902, au sujet de la situation syndicale des ouvriers verriers, alors précaire, leurs organisations étant disloquées, écrivait :
« Nous ne serions Pas surpris que la politique ne soit pas étrangère à ces divisions, car trop souvent, dans les mêlées sociales, beaucoup de camarades croient à l’efficacité de l’intervention des hommes politiques dans la défense de leurs intérêts économiques.
« Nous pensons, au contraire, que les travailleurs, solidement organisés dans les syndicats et fédérations de métier ou d’industrie, acquerront une plus grande force et une autorité suffisante pour traiter avec les industriels en cas de conflits, d’une façon directe et sans autre concours que celui de la classe ouvrière qui ne lui fera pas défaut. Il faut que le prolétariat fasse ses affaires lui-même...
C’est Marcel Sembat qui, au parlement, s’exprimait comme suit :
« L’action directe ? Mais c’est tout simplement de grouper les travailleurs en syndicats et en fédérations ouvrières pour arriver ainsi, au lieu de tout attendre de l’État, de la Chambre, au lieu de tendre perpétuellement sa casquette au parlement pour qu’il y jette dédaigneusement un sou de temps en temps, à ce que les travailleurs se groupent, se concertent.
« Entente des travailleurs entre eux, action directe sur le patronat, pression sur le législateur pour l’obliger, quand son intervention est nécessaire, à s’occuper des ouvriers...
... « Nous savons - disent les syndiqués - que les mœurs précèdent la loi, et nous voulons créer les meurs par avance afin que la loi s’applique plus aisément si on nous la donne ou pour qu’on soit obligé de la voter si on nous fait trop attendre ! Car ils veulent aussi - ils ne le dissimulent Pas -forcer à l’occasion la main du législateur.
« Nous, législateurs, n’avons-nous jamais besoin que l’on nous force la main ? Nous occupons-nous toujours spontanément des maux et des abus ? N’est-il pas utile que ceux qui souffrent de ces maux, qui sont lésés par ces abus protestent et s’agitent pour attirer l’attention sur eux et imposent même le remède ou la réforme qui sont devenus nécessaires ?
« Voilà pourquoi, Messieurs, on aurait tort d’essayer de vous indisposer contre ces hommes qui prêchent l’action directe : s’ils essaient de se passer la plus possible de députés, ne leur en sachez pas mauvais gré... « Il y en a suffisamment qui ne se Passent pas assez de vous pour que vous soyez satisfaits de voir des ouvriers tàcher de grouper leur classe syndicalement, en organisations économiques, et faire le plus possible leur besogne eux-mêmes... »
C’est Vandemelde écrivant dans le Peuple de Bruxelles :
« ... Pour arracher au capitalisme un os dans lequel il y ait quelque moelle, point né suffit que la classe ouvrière donne mandat à ses représentants de lutter en son lieu et place.
« Nous le lui avons dit maintes fois, mais nous ne saurions le lui dire assez, et c’est la grande part de vérité qui se trouve dans la théorie de l’action directe, on n’obtient fias de réformes sérieuses par personnes interposées...
« Or, s’il est permis de faire un reproche à cette classe ouvrière belge qui, laissée par ses exploiteurs et ses maîtres dans l’ignorance et la misère, a donné, depuis vingt ans, tant de Preuves de vaillance et d’esprit de sacrifice, c’est, peut-être, d’avoir trop compté sur l’action politique et sur l’action coopérative, qui exigeaient le moindre effort ; c’est de n’avoir pas assez fait pour l’action syndicale ; c’est d’avoir un peu trop cédé à cette illusion dangereuse que, le jour où elle aurait des mandataires à la Chambre, les réformes lui tomberaient comme des alouettes rôties dans la bouche... »
Ainsi, de l’avis des hommes cités ci-dessus - et aussi de notre avis à nous - l’Action directe développe le sentiment de la personnalité humaine, en même temps que l’esprit d’initiative. En opposition à la veulerie démocratique, qui se satisfait de moutonniers et de suiveurs, elle secoue la torpeur des individus et les élève à la conscience. Elle n’enrégimente pas et n’immatricule pas les travailleurs.
Au contraire ! Elle éveille en eux le sens de leur valeur et de leur force, et les groupements qu’ils constituent en s’inspirant d’elle sont des agglomérats vivants et vibrants où, sous le poids de sa simple pesanteur, de son immobilité inconsciente, le nombre ne fait pas la loi à la valeur. Les hommes d’initiative n’y sont pas étouffés et les minorités qui sont - et ont toujours été - l’élément de progrès, peuvent s’y épanouir sans entraves et, par leur effort de propagande, y accomplir l’œuvre de coordination qui précède l’action.
L’Action directe a, par conséquent, une valeur éducative sans pareille : elle apprend à réfléchir, à décider, à agir. Elle se caractérise par la culture de l’autonomie, l’exaltation de l’individualité, l’impulsion d’initiative dont elle est le ferment. Et cette surabondance de vitalité, d’expansion du « moi » n’est en rien contradictoire avec la solidarité économique qui lie les travailleurs entre eux car, loin d’être oppositionnelle à leurs intérêts communs, elle les concilie et les renforce : l’indépendance et l’activité de l’individu ne peuvent s’épanouir en splendeur et en intensité qu’en plongeant leurs racines dans le sol fécond de la solidaire entente.
L’Action directe dégage donc l’être humain de la gangue de passivité et de non-vouloir en laquelle tend à le confiner et l’immobiliser le démocratisme. Elle lui enseigne à vouloir, au lieu de se borner à obéir, à faire acte de souveraineté, au lieu d’en déléguer sa parcelle. De ce fait, elle change l’axe d’orientation sociale, en sorte que les énergies humaines, au lieu de s’épuiser en une activité pernicieuse et déprimante, trouvent dans une expansion légitime l’aliment nécessaire à leur continuel développement.
Éducation expropriatrice
Il y a une cinquantaine d’années, dans la période dix-huit cent quarante-huitarde, alors que les républicains avaient encore des convictions, ils avouaient combien était illusoire, mensonger et impuissant le système représentatif et ils cherchaient le moyen d’obvier à ses tares. Rittinghausen, trop hypnotisé par les superfétations politiques qu’il supposait indispensables au progrès humain, crut avoir trouvé la solution dans la « représentation directe ». Proudhon, au contraire, pressentant le syndicalisme, évoquait le fédéralisme économique qui se prépare et qui dépasse, de toute la supériorité de la vie, les concepts inféconds de tout le politicanisme : le fédéralisme économique qui est en gestation dans les organisations ouvrières implique la résorption par les éléments corporatifs des quelques fonctions utiles grâce auxquelles l’État illusionne sur sa raison d’être et, en même temps, l’élimination de ses fonctions nuisibles, compressives et répressives, grâce auxquelles se perpétue la société capitaliste.
Mais, pour que cette floraison sociale soit possible, il faut qu’un travail préparatoire ait, au sein de la société actuelle, coordonné les éléments qui auront fonction de la réaliser. C’est à cela que s’emploie la classe ouvrière. De même que c’est par la base que se construit un édifice, c’est par la base que s’accomplit cette besogne interne qui est, simultanément, oeuvre de désagrégation des éléments du vieux monde et oeuvre de gestation de la réédification nouvelle. Il ne s’agit plus de s’emparer de l’État, non plus que de modifier ses rouages ou changer son personnel ; il s’agit de transformer le mécanisme de la production, en éliminant le patron de l’atelier ; de l’usine, et en substituant, à la production à son profit, la production en commun et au bénéfice de tous... ce qui a pour conséquence logique la ruine de l’État.
Lorsque l’expropriation capitaliste sera en voie de réalisation, alors que les actionnaires des Compagnies de chemins de fer verront leurs titres - « parchemins » de l’aristocratie financière - tombés à zéro, alors que la séquelle parasitaire des directeurs et autres magnats du rail ne sera plus entretenue à rien faire, les trains continueront à rouler... Et cela, parce que les travailleurs des chemins de fer seront intervenus directement : leur syndicat, de groupement de combat, s’étant mué en groupement de production, aura désormais la charge de l’exploitation - non plus en vue de profits personnels, pas même simplement et étroitement corporatifs, mais pour le bien commun.
La Révolution est oeuvre d’action quotidienne
Il s’agit donc, pour préparer la voie, d’opposer aux conceptions déprimantes, aux formules mortes, représentatives d’un passé qui persiste, des notions qui nous aiguillent vers les indispensables matérialisations de volonté. Or, ces notions nouvelles ne peuvent découler que de la mise en oeuvre systématique des méthodes d’Action directe. C’est, en effet, du profond courant d’autonomie et de solidarité humaine, intensifié par la pratique de l’action, que jaillit et prend corps l’idée de substituer au désordre social actuel une organisation où il n’y ait place que pour le travail et où chacun aura libre épanouissement de sa personnalité et de ses facultés.
Cette oeuvre préparatoire de l’avenir n’est, grâce à l’Action directe, nullement contradictoire avec la lutte quotidienne. La supériorité tactique de l’Action directe est justement son incomparable plasticité : les organisations que vivifie sa pratique n’ont garde de se confiner dans l’attente, en pose hiératique, de la transformation sociale. Elles vivent l’heure qui passe avec toute la combativité possible, ne sacrifiant ni le présent à l’avenir ni l’avenir au présent. Aussi résulte-t-il, de cette aptitude à faire face simultanément aux nécessités du moment et à celles du devenir, et de cette concordance entre la double besogne à mener de front, que l’idéal poursuivi, loin d’être obscurci ou négligé, se trouve, par ce fait même, clarifié, précisé, mieux entrevu.
Et c’est pourquoi il est aussi stupide que mensonger de qualifier de « partisans du tout ou rien » les révolutionnaires qu’inspirent les méthodes de l’Action directe. Certes, ils sont partisans de TOUT arracher à la bourgeoisie ! Mais, en attendant d’être assez forts pour accomplir cette besogne d’expropriation générale, ils ne restent pas inactifs et ne négligent aucune occasion de conquérir des améliorations parcellaires qui, réalisées par une diminution des privilèges capitalistes, constituent une sorte d’expropriation partielle et ouvrent la voie à des revendication de plus grande amplitude.
Ce sont là des constatations banales ! Et, cependant, il est nécessaire d’y insister, de glorifier l’effort, parce qu’un enseignement déprimant a saturé la génération qui passe, l’a imprégnée de formules débilitantes. L’inutilité de l’effort a été érigée en théorie et on a prêché que toute réalisation révolutionnaire découlerait du jeu fatal des événements : la catastrophe, annonçait-on, se produirait automatiquement. Lorsque, par un processus fatidique, les institutions capitalistes seraient parvenues à leur maximum de tension. Alors, d’elles-mêmes, elles éclateraient ! L’effort de l’homme dans le plan économique était proclamé superflu, son action contre le milieu compressif dont il pâtit était affirmée inopérante. On ne lui laissait qu’un espoir : infiltrer des siens dans les parlements bourgeois et attendre l’inévitable déclenchement catastrophique.
Dangereuse et déprimante illusion que cette attente passive en la venue du messie-révolution ! En combien d’ans ou de siècles seront conquis les pouvoirs publics ? Et puis, à les supposer conquis, à ce moment le nombre des magnats du Capital aura-t-il tant diminué ? En admettant même que la trustification ait absorbé la bourgeoisie moyenne, s’en suivra-t-il que celle-ci aura été rejetée dans le prolétariat ? Ne lui aura-t-on pas, plutôt, fait une place dans les trusts et le nombre des parasites vivant sans produire ne se trouvera-t-il pas au moins égal à ce qu’il est aujourd’hui ? Si oui, n’est-il pas à supposer que les bénéficiaires de la vieille société résisteront aux lois et décrets d’expropriation ?
En même temps qu’on nous leurrait avec cette croyance messianique en la Révolution, pour nous déprimer davantage, pour mieux nous persuader qu’il n’y avait rien à tenter, rien à faire, pour nous plonger plus complètement dans la crasse de l’inaction, on nous endoctrinait avec la « loi d’airain des salaires ». On nous apprenait qu’en vertu de cette inéluctable formule (due surtout à Ferdinand Lassalle), dans la société actuelle tout effort est perdu, toute action vaine, car les répercussions économiques ont tôt fait de rétablir le niveau de misère au-dessus duquel ne peut émerger le prolétariat.
Contre l’enchaînement logique de ce raisonnement absurde, nulle objection ne s’élève ; aussi la loi des salaires peut-elle être tenue pour exacte... tant que l’ouvrier consent à être une marchandise ! Tant que, pareil à un sac de pommes de terre, il reste passif, inerte, et subit les fluctuations du marché... Tant qu’il courbe l’échine, endure toutes les avanies patronales, ... la loi des salaires fonctionne. Mais, il en va autrement dès qu’une lueur de conscience anime l’ouvrier-pomme de terre. Quand, au lieu de se confire en inertie, veulerie, résignation et passivité, l’ouvrier prend conscience de sa valeur humaine, s’imprègne d’esprit de révolte ; quand il vibre, énergique, volontaire, actif ; quand, au lieu de rester sottement accolé à ses semblables (telle une pomme de terre à côté de ses pareilles), il entre en contact avec eux, réagit avec eux, de même qu’ils réagissent sur lui ; quand le bloc ouvrier se vivifie, s’anime... alors, le ridicule équilibre de la loi des salaires est rompu.
Un facteur nouveau : la volonté ouvrière !
La cohésion ouvrière dresse alors, contre la puissance capitaliste, une force capable de lui résister. L’inégalité des deux adversaires - incontestable quand l’exploiteur n’avait en face de lui qu’un ouvrier isolé - s’atténue proportionnellement au degré de cohérence atteint par le bloc ouvrier. La résistance prolétarienne, latente ou aiguë, est désormais de tous les jours ; les conflits entre le travail et le capital s’avivent, grandissent en acuité. Le travail ne sort pas toujours victorieux de ces luttes partielles ; cependant, même quand il est battu, il y a encore profit pour les ouvriers en lutte : leur résistance a entravé la compression patronale et, souvent même, a obligé le patron à concéder une partie des réclamations formulées. En ce cas se vérifie le caractère de haute solidarité du syndicalisme : du résultat de la lutte bénéficient des faux frères, des inconscients, et les grévistes se satisfont de la joie morale d’avoir combattu pour le mieux-être général.
Il y a des circonstances où cette répercussion se constate ; mais cette montée du coût de la vie, en rapport direct avec la montée du salaire, n’a pas une constance telle qu’elle puisse s’ériger en principe. D’ailleurs, quand ce renchérissement se produit, il est - dans la plupart des cas - la preuve que le travailleur, après avoir lutté en qualité de producteur contre son patron, a négligé de se défendre en qualité de consommateur. Très souvent, c’est la passivité de l’acheteur à l’égard du commerçant, du locataire à l’égard du propriétaire, etc., qui permet aux propriétaires, commerçants, etc., de récupérer par des augmentations sur l’ouvrier, en tant que consommateur, le bénéfice des améliorations qu’il a acquises en tant que producteur.
Le salaire et le coût de la vie
Ces constations infirment la « loi d’airain ». Elles l’infirment d’autant mieux qu’il est impossible de prétendre que les hauts salaires des pays en question sont la simple conséquence d’une pénurie de bras. Aux Etats-Unis, et aussi en Australie, tout comme en Angleterre, le chômage sévit âprement. Il est donc évident que si, en ces pays, les conditions de travail sont meilleures, c’est qu’il entre dans leur établissement un facteur autre que l’abondance ou la rareté de bras : la volonté ouvrière ! Ces conditions meilleures sont le résultat de l’effort ouvrier, de la volonté prolétarienne se refusant à accepter une vie végétative et limitée, et c’est par la lutte contre le Capital qu’elles ont été conquises. Cependant, les batailles économiques qui ont amélioré ces conditions, pour violentes qu’elles aient été, n’ont pas créé une situation révolutionnaire : elles n’ont pas dressé, face à face, en ennemis, le travail contre le Capital. Les travailleurs n’y ont pas, au moins dans l’ensemble, acquis leur conscience de classe ; leurs aspirations ont, jusqu’ici, été trop limitées à une meilleure adaptation au sein de la société actuelle. Mais, les temps changent ! Cette conscience de classe qui leur manquait, Anglais, Yankees, etc., sont en passe de l’acquérir.
Si de l’examen des pays à hauts salaires et à courtes journées on passe à l’examen de nos régions paysannes où, sûrs de trouver une population ignorante et docile, nombre d’industriels installent leurs usines, le phénomène contraire se constate : les salaires y sont très bas et les conditions de travail excessives. C’est que, ici, la volonté ouvrière étant en léthargie, la pression capitaliste détermine seule les conditions de travail ; l’ouvrier s’ignorant et ne connaissant pas sa force est encore réduit à l’état de « marchandise », de sorte que la prétendue « loi des salaires » fonctionne contre lui, sans aucun contrepoids. Mais qu’une flamme de révolte vienne vivifier cet exploité et la situation sera modifiée ! Il va suffire que la poussière humaine, qui a été jusque-là la masse prolétarienne, se coagule en un bloc syndical pour que la pression patronale soit neutralisée par une force - faible et inhabile aux débuts - mais qui grandira vite en puissance et en conscience.
Ainsi, il se vérifie, à la lumière des faits, combien est illusoire et mensongère cette prétendue loi des salaires. « Loi d’airain » on l’a baptisée ? Allons donc ! elle n’est même pas une loi de caoutchouc ! Le malheur est que plus graves qu’une simple erreur de raisonnement ont été les conséquences de l’infiltration dans le monde ouvrier de cette formule fatidique. Que de souffrances et de déceptions elle a engendrées ! Trop longtemps, hélas, la classe ouvrière a paressé et somnolé sur ce décevant oreiller. C’était un enchaînement logique v la théorie de l’inutilité de l’effort engendrait l’inaction. Puisque était proclamée la stérilité de l’acte, l’inanité de la lutte, l’impossibilité d’une amélioration immédiate, toute velléité de révolte était étouffée. En effet, à quoi bon combattre, si l’effort est d’avance reconnu vain et infructueux, si l’on sait courir à un échec ? Puisque dans la bataille ne doivent se récolter que des horions - sans espoir d’un léger profit - ne vaut-il pas mieux rester tranquille ?
L’excès du mal n’est pas ferment de révolte !
Parallèlement à cette croyance néfaste en l’impossibilité de briser le cercle de fer de la « loi des salaires », et comme une déduction excessive, tant de cette « loi que de la confiance en la venue fatale de la Révolution par le jeu normal des événements, sans intervention de l’effort des travailleurs, certains se réjouissaient s’ils constataient le grandissement de la « paupérisation », l’accroissement de la misère, de l’arbitraire patronal, de l’oppression gouvernementale, etc. A entendre ces pauvres raisonneurs, de l’excès de mal devait jaillir la Révolution ! Donc, toute recrudescence de misères, de calamités, etc., leur semblait un bien, rapprochait de l’heure fatidique. Erreur folle ! Absurdité ! L’abondance des maux - quelle que soit leur espèce - n’a d’autre résultat que de déprimer ceux qui en pâtissent. Il est d’ailleurs facile de s’en rendre compte. Au lieu de se payer de phrases, il suffit de regarder et d’observer autour de soi.
Au contraire, dans les métiers où la durée et l’intensité du travail sont excessives, quand l’ouvrier sort du bagne patronal, il est « tué » physiquement et cérébralement ; alors, il n’a que le désir, avant de rentrer chez lui, pour manger et dormir, d’avaler quelques gorgées d’alcool, afin de se secouer, se remonter, se donner un coup de fouet. Il ne songe pas à aller au syndicat, à fréquenter les réunions, il n’y peut pas songer tant son corps est moulu de fatigue, tant son cerveau déprimé est inapte à fonctionner. De même, de quel effort est capable le malheureux dégringolé dans la misère endémique, le loqueteux que le manque de travail et les privations ont élimé ? Peut-être, dans un soubresaut de rage, esquissera-t-il un geste de révolte... mais ce sera un geste sans récidive ! La misère l’a vidé de toute volonté, de tout esprit de révolte.
Ces constatations - qu’il est loisible à chacun de vérifier et de multiplier - sont l’infirmation de cette étrange théorie que l’excès de misère et d’oppression est un ferment de révolution. Le contraire est seul exact, seul vrai ! L’être faible, dont le sort est précaire, qui a une vie restreinte, qui est matériellement et moralement esclave, n’osera regimber sous l’exploitation ; par crainte du pire, il se recroquevillera, ne tentera aucun mouvement, aucun effort et croupira dans sa situation douloureuse. Il en va autrement de celui qui par la lutte s’est fait homme, qui, ayant une vie moins étroite, a l’esprit plus ouvert, et qui, ayant regardé son exploiteur en face, se sait son égal.
C’est pourquoi les améliorations partielles n’ont pas pour résultat d’endormir les travailleurs ; au contraire, elles sont pour eux un réconfort et un excitant à réclamer et exiger davantage. Le mieux-être, qui est toujours une conséquence de la manifestation de la force prolétarienne - soit que les intéressés l’arrachent de haute lutte, soit que la bourgeoisie juge prudent et habile, pour atténuer les chocs qu’elle prévoit ou redoute, de faire des concessions - a pour résultat d’élever la dignité et la conscience de la classe ouvrière, et aussi - et surtout ! - d’accroître et d’accentuer sa combativité. En émergeant de la misère physiologique et intellectuelle, la classe ouvrière s’affine ; elle acquiert une sensibilité plus grande, ressent davantage l’exploitation qu’elle subit et a d’autant plus la volonté de s’en libérer ; elle acquiert aussi une vision plus nette de l’opposition irréductible qu’il y a entre ses intérêts et ceux de la classe capitaliste. Mais, pour si importantes qu’on les suppose, les améliorations de détail ne peuvent suppléer à la Révolution, en faire l’économie : l’expropriation capitaliste reste nécessaire, pour que soit réalisable la libération complète. En effet, à supposer qu’on parvienne à comprimer fortement les bénéfices du capital, à annihiler en partie le rôle néfaste de l’État, il est improbable que cette compression puisse atteindre à zéro. Les rapports n’auraient pas changé pour cela : il y aurait encore, d’un côté, des salariés, des gouvernés, de l’autre, des patrons, des dirigeants.
Il est évident que les conquêtes partielles (pour si importantes qu’on les suppose et quand bien même elles rogneraient fort les privilèges) n’ont pas pour conséquence de modifier les rapports économiques, qui sont ceux de patron à ouvrier, de dirigeant à dirigé. Donc, persiste la subordination du travailleur, à l’égard du Capital et à l’égard de l’État. Donc, il s’ensuit que le problème social reste entier et que la « barricade » qui sépare les producteurs des parasites vivant d’eux n’est pas déplacée, encore moins aplanie. Pour si courte que puisse devenir la durée du travail, pour si haute que soit la paye, pour si « confortable » que soit l’usine au point de vue hygiène, etc., tant que subsisteront les rapports de salariant à salarié, de gouvernant à gouverné, il y aura deux classes, lutte de l’une contre l’autre. Et ce combat gagnera en acuité et en étendue, au fur et à mesure que la classe exploitée et opprimée, grandissant en force et en conscience, aura une notion plus exacte de sa valeur sociale : par conséquent, au fur et à mesure qu’elle s’élèvera, qu’elle s’éduquera, qu’elle s’améliorera, c’est avec toujours davantage d’énergie qu’elle sapera les privilèges de la classe antagoniste et parasitaire.
Pour mieux nous leurrer et nous tenir sous leur joug, nos ennemis de classe nous ont seriné que la justice immanente n’a que faire de la force. Billevesées d’exploiteurs du peuple ! Sans la force, la justice n’est que duperie et mensonges. De cela, le douloureux martyrologe des peuples au cours des siècles en est le témoignage : malgré que leurs causes fussent justes, la force, au service des puissances religieuses et des maîtres séculiers, a écrasé, broyé les peuples ; et cela, au nom d’une prétendue justice qui n’était qu’une injustice monstrueuse. Et ce martyrologe continue !
Minorité contre minorité
Cette puissance, toute de propagande et d’action, oeuvre d’abord pour éclairer les malheureux qui, en se faisant les défenseurs de la classe bourgeoise, continuent l’écœurante épopée des esclaves, armés par leurs maîtres pour combattre les révoltés libérateurs. Sur cette besogne préparatoire, on ne saurait concentrer trop d’efforts. Il faut, en effet, bien se pénétrer de la puissance de compression que constitue le militarisme. Contre le peuple sans armes se dressent en permanence ses propres fils supérieurement armés. Or, les preuves historiques abondent montrant que tous les soulèvements populaires qui n’ont pas bénéficié, soit de la neutralité, soit de l’appui du peuple en capote qu’est l’armée ont échoué. C’est donc à paralyser cette force inconsciente, prêtée aux dirigeants par une partie de la classe ouvrière qu’il faut tendre continuellement.
Quant à prévoir dans quelles conditions et à quel moment s’effectuera le choc décisif entre les forces du passé et celles de l’avenir, c’est du domaine de l’hypothèse. Ce qu’on peut certifier, c’est que des tiraillements, des heurts, des contacts plus ou moins brusques l’auront précédé et préparé. Et, ce qu’on peut affirmer aussi, c’est que les forces du passé ne se résoudront pas à abdiquer et se soumettre. Or, c’est justement cette résistance aveugle au progrès inéluctable qui a, trop souvent dans le passé, marqué de brutalités et de violences la réalisation des progrès sociaux. Et on ne saurait trop le souligner : la responsabilité de ces violences n’incombe pas aux hommes d’avenir. Pour que le peuple se décide à la révolte catégorique, il faut que la nécessité l’y accule ; il ne s’y résout que lorsque toute une série d’expériences lui ont prouvé l’impossibilité d’évoluer par les voies pacifiques et - même en ces circonstances - sa violence n’est que la réplique, bénigne et humaine, aux violences excessives et barbares de ses maîtres.
Si le peuple avait des instincts violents, il ne subirait pas vingt quatre heures de plus la vie de misères, de privations, de dur labeur - panachée de scélératesses et de crimes - qui est l’existence à laquelle l’oblige la minorité parasitaire et exploiteuse. Point n’est besoin, à ce propos, de recourir à des explications philosophiques, de démontrer que les hommes naissent « ni bons ni mauvais » et qu’ils deviennent l’un ou l’autre suivant le milieu et les circonstances. La question se résout par l’observation quotidienne : il est indubitable que le peuple, sentimental et d’humeur douce ; n’a rien de la violence endémique qui caractérise les classes dirigeantes et qui est le ciment de leur domination - la légalité n’étant que la couche légère d’un badigeonnage d’hypocrisie destiné à masquer cette foncière violence.
Certes, il va à la Révolution, malgré les entraves que les privilégiés accumulent sur sa route ; mais il y va avec des soubresauts et des hésitations qui sont la conséquence de son humeur paisible et de son désir d’éviter les solutions extrêmes. Aussi, lorsque la force populaire, brisant les obstacles qui s’opposent à elle, passe en ouragan révolutionnaire sur les vieilles sociétés, c’est qu’on ne lui a pas laissé d’autre moyen d’expansion. II est, en effet, incontestable que, si cette force eut pu s’épanouir sans encombre, en vertu du principe du moindre effort, elle ne se fût pas extériorisée en actions violentes et se fût manifestée pacifiquement, majestueuse et calme. Le fleuve qui, dans une lenteur olympienne et irrésistible, roule paisiblement vers la mer n’est-il pas formé des mêmes molécules liquides qui, coulant en torrents au travers des vallées encaissées, emportaient furieusement les obstacles qui s’opposaient à leur cours ? Ainsi en est-il de la force populaire.
Mais, de ce que le peuple ne recourt pas à la force par plaisir, il serait dangereux d’espérer suppléer à ce recours en usant de palliatifs d’essence parlementaire et démocratique. Il n’y a donc pas de mécanisme de votation - ni le référendum, ni tout autre procédé qui prétendrait dégager la dominante des desiderata populaires - grâce auquel on puisse escompter faire l’économie de mouvements révolutionnaires. Se bercer de semblables illusions, ce serait retomber dans les douloureuses expériences du passé, alors que les vertus miraculeuses attribuées au suffrage universel concentraient l’espoir général. Certes, il est plus commode de croire à la toute-puissance du suffrage universel, ou même du référendum, que de voir la réalité des choses : cela dispense d’agir - mais, par contre, cela ne rapproche pas de la libération économique.
Cependant, de ce qu’un quelconque procédé de votation, de référendum, etc., est inapte à révéler l’étendue et l’intensité de la conscience révolutionnaire, de même qu’à suppléer au recours à la force, il n’en faut pas conclure contre leur valeur relative. Le référendum, par exemple, peut avoir son utilité. En certaines circonstances, rien de mieux que d’y recourir. Par lui, il est commode - pour des cas posés avec précision et netteté - de dégager l’orientation de la pensée ouvrière. D’ailleurs, les organisations syndicales savent en user, quand besoin est (aussi bien celles qui, ne s’étant pas encore dégagées complètement de l’emprise capitaliste, se réclament de l’interventionnisme étatiste, que celles qui sont nettement révolutionnaires). Et ce, depuis longtemps ! Ni les unes, ni les autres, n’ont attendu pour cela qu’on prétende l’ériger en système et qu’on cherche à faire de lui un dérivatif à l’Action directe.
Pour que la révolution économique que la société capitaliste porte dans ses flancs éclose enfin et aboutisse à des réalisations, pour que des mouvements de recul et de féroce réaction soient impossibles, il faut que ceux qui besognent à la grande oeuvre sachent ce qu’ils veulent et comment ils le veulent. Il faut qu’ils soient des êtres conscients et non des impulsés ! Or, la force numérique, ne nous y méprenons pas, n’est vraiment efficace, au point de vue révolutionnaire, que si elle est fécondée par l’initiative des individus, leur spontanéité. Par elle-même, elle n’est rien d’autre qu’un amoncellement d’hommes sans volonté, qu’on pourrait comparer à un amas de matière inerte subissant les impulsions qui lui sont transmises du dehors.
[1] Sur le dire d’observateurs superficiels, bien des personnes acceptent sans contrôle et répètent de même que « la vie est chère » aux pays cités ci-dessus. Ce qui est exact, c’est que les objets de luxe y sont très coûteux ; la vie de « relations » y est très onéreuse ; par contre, tout ce qui est de première nécessité y est à bon compte. D’ailleurs, ne sait-on pas que, des États-Unis, par exemple, nous arrivent du blé, des fruits, des conserves, des produits manufacturés, etc., qui (malgré la majoration que leur fait subir le coût du transport et aussi malgré les droits de douane) viennent concurrencer, sur notre marché, les produits similaires ? Il est donc bien évident que ces produits ne se vendent pas, aux États-Unis, à des prix supérieurs... Bien d’autres faits probants seraient à évoquer. Le cadre d’une brochure ne le permet pas.